qu’est ce que c’est, un spiritueux français ?

Commençons par une citation française traitant de spiritueux :

Le whisky est le cognac des cons

Pierre Desproges – 1985

Ceci-étant posé, il faut que l’on parle d’un drôle de hasard :

Le 13 février 2023, au Hall 2 de la Vinexpo Paris (Portes-de-Versailles – Parc des Expositions) étaient révélés et décernés 12 trophées pour les spiritueux de l’année 2022.

Ce jeune concours (créé en 2021) est organisé par cavistes & e-commerce (.fr) et “est ouvert aux eaux-de-vie, spiritueux et liqueurs du monde” pour reprendre leur mots.
Un concours se voulant international, donc, et pourtant …

Incroyable !
100% des gagnants sont français !
(Cocorico)

Est-ce parce-que le whisky le plus vendu en France est français ?
(non)
Est-ce parce-que le meilleur gin au monde 2022 est français ?
(non)
Est-ce parce que les gagnants sont choisis par un jury 100% français
(oui)
Est-ce parce que les gagnants ont candidaté sur une adresse-mail.fr
(oui)

Pas de quoi être fier… Un concours entre français :
la France ne pouvait qu’y briller !
Et pourtant … cette petite distinction fera mouche auprès des consommateurs non-connaisseurs.
Au moins, avec le concours de La Journée des Spiritueux Français, c’est clair et carré.

Nous ne sommes pas des Bleus
Et quitte à faire quelques Blancs
Il faut tirer à boulets Rouges

J’ai un peu de mal avec ce chauvinisme premier degré, voir bas-de-plafond.

J’ai l’impression que les résultats de concours tels que Les Spiritueux de l’Année ne sont qu’une question de copinage, loin de la réalité des ventes.

Et si défendre les produits de notre territoire est une excellente chose : ça serait super que leur renommée soit créée en toute impartialité (ex : en les comparant avec leur concurrents étrangers).

Comme notre “french brandy” (Cognac, et dans une moindre mesure, Armagnac) ayant supplanté tous les autres, à échelle mondiale. Comme l’absinthe, connue internationalement (contrairement au pastis) dont le nom renvoie directement à la France des années folles. Ou encore la Chartreuse, ayant le droit à ses louanges chez Tarantino (Boulevard de la Mort – 2007).

aoc et ig

En France, nous sommes doués pour les Appellations d’Origines Contrôlées et des Indications Géographiques.
Et c’est une bonne chose pour protéger nos terroirs et leurs spécificités ! (Il n’y a que les pays aux gouvernements douteux pour vouloir s’approprier des titres tels que “Champagne” pour leurs vins effervescent bas de gamme)*

51 IG, 17 AOC, 44 Catégories :

Entre cet éclectisme alcoolique et notre longue tradition des siropiers / limonadiers (qui ont fait des liqueurs françaises le choix des experts durant l’âge d’or des cocktails) : notre patrimoine liquide est riche, très riche.

nos ambassadeurs ?

J’étais choqué de constater que nos chères maisons de Cognac (du moins les big four) souhaitaient renvoyer une image bling-bling de rappeur afro-américain, et s’afficher dans les carrés VIP des clubs. Pas facile de changer d’image.

Ce virage radical et peu patriote, vient un peu du public français, qui l’a boudé. L’hexagone s’est pris d’admiration pour le scotch (Scotch-land = Écosse), pourquoi ?

Est-ce que l’image du vieux nanti grisonnant, en sleepers (chaussons d’intérieur) et peignoir de velours, buvant son cognac sur son fauteuil Louis XV, ne renvoyait rien de très glorieux aux nouvelles générations qui voulait tuer “tout ce qui est réac” (et donc patriote) dans les années 60 ?
L’image ultra-virile du Highlander, ne portant que kilt et sporran, armes à la mains et prêt à mourir sur le champ de bataille pour son clan, était peut-être plus héroïque que celle d’un bourgeois bedonnant ?

Je m’éloigne dans des spéculations proche de la psychologie de comptoir … Mais ce rejet de notre eau-de-vie française pour le culte démesuré de cette eau-de-vie écossaise, au même moment, est un fait farfelu qui invite à des réflexions farfelues.

nos influenceurs

Les réseaux sociaux ont bien des défauts.
Ils permettent toutefois de partager avec le monde entier, depuis sa chambre.

J’en ai vu des myriades, en scrollant, de comptes anglo-saxons consacrés au Cognac.
Des comptes français aussi ? Pas tant. Ou très ponctuellement.
Nos influenceurs lifestyle francophones, ayant choisi le parti-pris des spiritueux, partagent leur amour inconditionnel du terroir français (+ leurs avis politiques) et défendent les productions locales [dans leur campagnes de communication].

Dans les faits,
Leur expertise concerne souvent les whiskys étrangers, moins les brandies français.
Ils s’affichent à boire accompagnés de cigares cubains, plus photogéniques que l’humble pipe.
Ils ne le publient pas … Mais je suis sûr qu’ils préfèrent le café équatorien à la chicorée.

Ils peuvent bien compenser en postant régulièrement des petits emojis drapeaux tricolores.

la raison d’être d’un spiritueux

Les spiritueux ont été démocratisés avec les longs trajets (le vins et la bière se gâtant pendant les longs courriers).
Leur incroyable conservation et la place réduite qu’ils prenaient en cale les ont associés au voyage, et ont commencé à être consommé à l’autre bout du monde, dans des punches (au 17ème siècle, il valait mieux les mélanger).

À l’image de ces grands bols communs, les spiritueux sont synonymes de partage, d’échange, de fraternité.
Et pas “de repli sur soi” et d’individualisme.

C’est super que les jeunes générations de distillateurs français fassent des gins de style anglais, des whiskys de style écossais, des rhums de style hispaniques : voir même des liqueurs à bases d’épices exotiques !

Mais ce qui doit en faire des succès, c’est leur qualité !
On incite à acheter un produit parce-qu’il est bon et singulier :
pas parce qu’il a un petit liseré tricolore sur l’étiquette.

made in france
is the new green washing

Tout comme le Bio (qui est censé être traduit par “normal”) n’a pas a devenir un argument de vente et un prétexte pour augmenter le standing ; le Made in France n’est qu’une corde marketing, car difficile à vérifier pour chaque étape de la production (bouteilles de France ? Étiquettes de France ? Bouchons de France ? Matières premières de France ? Alambic de France ? Design de France ?).

Le protectionnisme d’une industrie nationale se joue au niveau des taxes et contraintes qui l’incombent.


Une bouteille de vin, pour citer un autre exemple de liquide alcoolique national, n’a pas à mettre un macaron bleu-blanc-rouge sur son étiquette-avant pour asseoir son statut : elle bénéficie juste de taxes très avantageuse et d’une application de la loi (Evin par ex.) un peu plus laxiste (l’annulation de la loi Egalim, qui avait aussi bénéficié aux spiritueux, s’était faite “pour protéger l’industrie du vin”). C’est la recette d’un alcool national.

vive la france

Joyeuse journée des spiritueux français !
Et n’oubliez pas :
Tant que vous partager vos bouteilles (qu’importe si elles viennent de Chine, du Mexique ou de Normandie) en bonne compagnie, vous faites un acte d’hospitalité, et donc rayonner notre beau pays.

Après tout, j’ai toujours trouvé qu’en France, le simple mot apéro avait un pouvoir fédérateur incomparable et inexplicable.

Santé chers Bibules.

Votre échanson.

b\\\v

lache un com'

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *