le millennial ne boit plus

La consommation d’alcool est passée de 26 litres par habitant en 1961 à 11,7 litres par habitant en 2017

Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies

Nous savions que nous buvions moins que nos aïeux, heureusement. Mais le phénomène abstème s’accélère ces dernières années : la consommation d’alcool a diminué de 5% depuis 2000(OMS). D’où vient cette baisse ? De repentis qui arrêtent l’alcool ou de l’absence de nouveaux buveurs ? Visiblement de l’option n°2. Une étude publiée dans BMC Public Health témoigne d’une baisse de la consommation d’alcool mondiale, notamment chez les 16-24 ans. Le nombre de jeunes qui ne boivent pas d’alcool serait passé de 18% en 2005 à 29% en 2015. Et cela ne fait qu’augmenter !


pourquoi ?

Un mélange de préoccupations de santé et de pouvoir d’achat, accompagné de campagnes de publicités et de propagandes. L’augmentation des cancers à elle-aussi sa part de responsabilité. Entre les connaissances scientifiques dans le domaine de la santé et la croissance démographique de certaines spiritualités ; il n’a jamais été aussi peu raisonnable de boire de l’alcool ! « Il y a plein de raisons de ne pas boire d’alcool : ça coûte cher, les effets ne sont pas toujours agréables et la dépendance est dangereuse ! » disait la jeune Anita dans le journal de Montréal du 04.07.2019.

Moins évident, je pense que la raison principale de cette renonciation à la boisson vient de la culture de la performance et du superficiel, imposée par une société dans laquelle il faut exceller et être « beau » à regarder. Réfléchissons ! Nous sommes de plus en plus exposés et si nous prenons une « cuite » tout le monde le sait. Salir ton image en écrivant à ton ex, en postant une story déplacée, ou pire, en apparaissant dans celle d’un de tes potes qui a filmé tes exploits : c’est peu gratifiant, évidemment, mais il y a plus gênant. Le lundi matin, même tes parents qui n’ont pas Facebook savent que tu as fini dans la fontaine en l’apprenant par leur collègue dont la fille suit ton pote sur les réseaux. Pour maîtriser ton image, ne fais pas de faux pas !

#soberlife

Sur les réseaux sociaux, le hashtag healthy a remplacé le hashtag apéro. Pire ! Le faux compte Instagram de Louise Delage est imaginé par Addict Aide pour « sensibiliser » la jeunesse à l’alcool. Une myriade de Sober Influencer vante une vie radicalement saine. Et ça marche ! Selon The Telegraph, un quart des milléniaux seraient abstinents, et le mot Abstème (Teetotaller en anglais) est ressorti du placard et devient une nouvelle fierté à hashtaguiser. Voilà, on l’aura compris, la Génération Y préfère lever le pied que le coude.


« Comme un nombre croissant de jeunes, Haley ne fume pas, ne boit pas et n’a que peu d’expérience en matière de relations amoureuses. C’est surtout la raison de ce comportement qui intrigue. Pour faire court, elle estime que ces activités sont dangereuses. « Quand on sort faire la fête et qu’on boit trop, notre cerveau ne fonctionne plus normalement, on fait des choses que l’on ne ferait jamais en étant sobre », explique-t-elle. « Certaines personnes conduisent ivres, et d’autres profitent de toi quand tu es soûl. C’est dangereux. On pourrait se blesser ou quelqu’un pourrait nous blesser. Ce n’est pas pour moi. » L’intérêt de Haley pour la sécurité s’étend au-delà de la sécurité physique et recouvre un concept que je n’ai découvert que récemment, grâce aux iGens : la sécurité émotionnelle… »

Livre Génération Internet de Jean M Twenge (2018) chapitre 6 (p. 195 – 236)
« Individualistes et dans leur bulle : moins de charité pour plus de sécurité »

marketing

Et comme les grands groupes de spiritueux ne comptent pas perdre de l’argent avec cette prise de conscience générationnelle, leurs premières réponses furent à la hauteur de ce que l’on peut attendre d’une marque : Raw Wines, Clean Spirits, Hard Seltzer … Derrière ces anglicismes, il est question de vins bons à la santé, de spiritueux éco-responsables et d’eaux alcoolisées (???). Avec leur nom et packaging sympa, leurs saveurs faciles à appréhender et leur promesse d’un désaltérant faible en sucre et en alcool, ces eaux alcoolisées ne comptent pas aider les abstèmes dans leur démarche (si ils peuvent leur faire gober que l’alcool c’est de l’eau c’est mieux). Puis, en 2015, arrive enfin une réponse recevable : Seedlip, le premier spiritueux sans alcool. Depuis, le nombre d’apéritif et de free-spirits explose pour ne pas laisser filer de potentiels clients.

En 2019, enchaîner cocktails en terrasse n’a plus rien de cool.

Alice Huot, pour l’ADN, 5 septembre 2019

Ou encore « Posez ce Moscow Mule ! L’alcool n’est plus à la mode ! » et « Sober is the new cool ». Autant de sentences ou de slogans où il n’est plus question de santé et de goût, mais de … de je ne sais pas …

la vengeance d’une victime

Je n’avais rien contre les abstèmes, chacun est libre d’ingérer ce qui lui chante, et qui plus est s’il est question de santé et de sécurité ! Mais au fil de mes lectures, force est de constater qu’ils ont pour objectif de ringardiser le rituel social de l’apéro. Leurs mots Cool, Mode et Tendance n’expriment ni valeurs ni convictions. J’en arrive donc à leur procès d’intention : ils sont revanchards. Notre société est polarisée de tous les côtés, et l’alcool n’est pas épargnée ! Comment passe-t’on d’une recrudescence du phénomène Binge Drinking en 2010 à une accélération de la tendance Sober Life en 2020 ? Par vengeance ! Les anciens exclus du lycée, ayant passé leur adolescence sous l’aphorisme « sans alcool la fête est moins folle » ont pu être catalogués comme rabats-joie ou asociaux juste parce qu’ils ne jouaient pas à de stupides jeux à boire. Il faut dire que ça doit être rageant de devoir se justifier lorsqu’on ne veut tout simplement pas boire d’alcool « Enceinte, prise d’antibiotiques, problèmes de consommation, tout y passe. Sauf la simple envie de ne pas boire d’alcool ». Aujourd’hui, soutenus par les campagnes du gouvernement et par les injonctions au healthy, ils peuvent faire passer pour campagnards et beaufs les consommateurs d’alcool.

et le dosage dans tout ça ?

Je me suis souvent méfié des gens qui ne boivent pas. Rien que ça.
Est-ce que ceux qui ne se laissent jamais tenter à trinquer font ça pour ne rien divulgué éméché ? Quand bien même, évidement qu’un verre ne les trahirait pas ! Ce n’est pas non plus avec un verre qu’on se donne en spectacle ou qu’on a mal à la tête le lendemain. C’est toujours la même peur : celle de ne pas pouvoir s’arrêter. Et le meilleur moyen de ne pas continuer, c’est de ne pas commencer. C’est un peu TOUT ou RIEN. L’alcool est le pire ennemi des secrets. L’allié des langues démêlées et du laisser-aller propre aux gens vrais. J’aurai bien terminé avec un slogan comme : ASSUMEZ, BUVEZ ! Mais toutes les natures ne sont pas bonnes à être dévoilées, et surtout selon qui nous entourent. N’oublie pas, dans un pays où le vin fait office d’exception culturelle, boire ou ne pas boire relève d’un choix de vie : et ce n’est ni à la société, ni à tes secrets d’en décider !

Santé !

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